J’avais ‘vingt ans ‘le bac ‘plutôt assez un peu fière allure, peu de poils au menton, plein d’illusions et d’amour à donner et à réinventer.
Voulant découvrir Nice, je me trouvais avec un copain à l’auberge de jeunesse du Mont Boron. A peine hébergé, je pus lire une affiche sur le panneau à nouvelles : Grand film Napoléonien, embauche d’étudiants au studio La Victorine, 1mètre70 exigés ! On y va ?
Une longue pérégrination dans le soleil. Ouf, enfin sommes devant le portail.
Un premier cerbère m’accueillit : vous êtes trop petit… Je lui expliquais que la taille des conscrits de Bonaparte était de 1mètre63, sic. N’étant point écouté, je défendais mon premier bifteck avec ardeur ; sur ce arrive un autre Cerbère cette fois féminin, qui me sourit : «on lui mettra des talonnettes…» Comme je l’ai trouvée avenante et gracieuse, ma reine !
Nous devions défiler prenant l’air le plus martial possible, en shako ou bicorne selon la malle à déguisement, redresser le menton, prendre l’air sauvage. La maquilleuse me colla de grosses moustaches avec des favoris et m’habilla en déguenillé, comme se devaient les soldats de l’an … de l’époque. On s’entraîna donc pour le défilé avant la prise du pont d’Arcole. Etant le plus petit, on me mit en queue de section, chut, juste tout près de la cantinière. En sourdine une musique de circonstances nous accompagnait.
Moi suis étudiant ! Et toi ? Apprenti menuisier, et papoti et papota.
Et toi ? Elle baissa les yeux.
A la fin de la semaine, le grand cerbère voulut nous renvoyer, je ne verrais plus ma cantinière aux yeux noirs, rien à faire… L’autre cerbère dit alors : j’ai une idée on les mettra au bruitage, et pendant une semaine je jouais avec des récipients sonores en métal casseroles assiettes… puis des fourchettes cuillers casse’noix. Tout cela pour reproduire les sons d’une bataille de conquête au beau nom de liberté dans un paisible village de Provence, à défaut d’Italie. Monsieur le curé autorisant sa cloche, un gars, lui en Cdi d’alors, jouant du clairon ou à défaut du tambour.
Mon affaire marchait… avec la cantinière, autrement vendeuse de citrons sur le marché en ville. Puis le studio débaucha. Ma première paye de cinq mille francs ! Comme on était des grognards on fit semblant de grogner ; la cantinière et moi nous jurâmes longue fidélité et on se quitta. Las las ne l’ai jamais revue. Elle avait les joues roses.
Ah, il faut dire que, plus tard, la connaissance du bruitage m’a servi dans mon métier.
Guy