lignes de la main
J’étais à l’âge des premières boums. Lors, la Demoiselle éternelle fragile incontournable, intouchable et jolie de préférence, captait tout mon intérêt. Les dires de Descartes, Kant, Sartre et autres consorts me laissaient pantois. Discussions livresques et glacées. Ennuyeuses à en pleurer.
C’est alors que un professeur intelligent, ça peut advenir des fois, nous parla de «Caractérologie».
Je me passionnais aussitôt pour Gaston Berger et Le Senne, créateurs de cette science. Et vite je jouais à l’analyste et ça impressionnait les filles, vous savez. Elles adorent. Emotive secondaire non active, Sentimentale et romantique… Leur cœur bat. Et elles contaient leur fond d’âme cachée ou ce qu’elle voulait bien dévoiler.
La femme devenue matériel humain pour un garçon psychanalyste autoproclamé, sauf que le matériel humain objet puis sujet guidait par le bout du nez le prétentieux savant. Je me prenais de passion pour mes découvertes mises en formule d’humanité. Mon langage s’en resentait.
Un jour je commis une erreur presque fatale : Je contais fleurette à une E. S. non A. Polarité Mars, étroite de champ de conscience, tendresse chiffrée trois dans l’échelle de neuf, etc…. Laquelle voulut me crever les yeux dans un accès de jalousie.
Je décidai de diversifier mon carquois d’Eros en me lançant dans la graphologie, avec certain succès, je dois l’avouer… Chut.
Puis dans la foulée : Lire les lignes de la main. Un pur régal. Là, avec un peu de chance et l’aide consentante de la jeune personne fleurette cobayette étonnée (ça peut s’inverser) qui attendait impatiemment le moment de se livrer, j’avançais dans le mystère du féminin. Règle essentielle : Ne jamais trouver de Ligne de vie courte mais au contraire une voie longue avec des carrefours de segments obliques, rayons d’amour en feu d’artifice. Indiquant quelque rencontre temporelle de qualité.
Ah, la crédulité féminine ! Je me serais fait marabout que ça aurait marché. Du moins eûs-je pu le croire ? Un jour à Nouméa, un vieux poète local me contacta pour faire partie de son équipe ésotérique… A quelque distance de la Ville, une falaise, une grotte ayant des pouvoirs, une vue sur le monde d’en bas, une table. Je fonçais, non pour faire tourner la table ce qui allait de soi, mais pour entendre le souffle caverneux de l’au-delà.
L’ai-je –bien- entendu ? Je ne sais mais on frissonnait dans la pénombre acoustique. Vous me croirais ou pas, on entendait des choses étranges et des craquements sournois.
Je dus quitter Nouméa, à regrets, sans avoir pu terminer mon initiation. A Vernon, en bord de Seine, dans une maison quelque peu troglodyte, vivait une dame un peu ermite qui se disait en correspondance avec un couple Cathare mis au bûcher, dont l’épouse ayant expiré une minute avant l’époux, le cherchait à jamais dans l’immensité de l’espace temps, haletante désespérée ; elle déclamait ses vers en pleurant. Et les spectateurs frémissaient.
Et moi aussi…
les chevaliers cathares de cabrel
Guy