J’allais sur mes six ans. Deviendrais, me disais-je, un savant, en machine à vapeur ou en aéroplan ?
Je déchiffrais déjà, dans le journal, plein de lettres et de mots, grâce à mémé Lucie : Mon premier amour savez-vous ? Quand tu seras grand tu sauras que c‘est impossible, chantait-on autour de moi... On ne peut épouser ni une maman ni sa mère-grand.
Bon les vieux doivent avoir sans doute raison... Que voulais-je comprendre encore? Quelques mystérieuses broutilles que l’on me cachait ! Sur l’Amour évidemment. Dieu le ciel la lune je savais, Lucie me les ayant expliqués avec des galettes au beurre comme arguments maison.
Mais l’Amour, cela me turlupinait.
J’ai pris avec le temps, âge et moustache, chevelure grise, lunettes cerclées d'argent, mais devant le mystère de l’amour suis à jamais resté petit enfant. La première fois que je voulus embrasser une demoiselle c’était pour ses mollets ronds tout tachés de rousseur et de son, une autre fois pour des yeux verts romantiques et lointains pasque elle était myope mais moi ne le voyais, ni elle ne le contait.
A qui demander conseil enfin, sinon à maman ?
Ma mère n’avait pas le temps, elle avait de toutes façons décrété une fois de plus que les garçons ne peuvent se marier avant leur petite sœur, et à mon époque embrasser c’était l’amour, donc fiançailles mariage et tout le saint tintouin, quoique. Mais c’est quoi Aimer, demandais-je alors à la mémé de Simone, ma voisine de pallier, qui me souriait de près ? Lors elle (la mémé) me dit ces mots définitifs : Mektoub, c’est le destin, sous entendu c’est Simone qu’il te faut. A cette époque on se mariait dans le même quartier, les grands-mères arrangeaient tout !
L’amour venant après en général.
Je cherchais donc au jugé, comme le mendiant d’amour que j’étais... Belle expression, n’est-ce pas ? C’est ainsi que je suis devenu grand, hélas toujours romantique et désespéré.
Mesdames les mamans, expliquez donc de grâce à vos adorables mignons que l’amour existe vraiment, que c’est sérieux, que c’est bien, que c’est beau... Le dire sur un pas de danse, s'il le faut.En jouant du violon...
Et comme tous les petits d’homme j’ai appris tout seul, à devenir vieux.
Guy