Passionné d’anticipation, j’étais pilier de notre Bibliothèque. On pouvait sortir plein d’ouvrages, la dame fermant les yeux. Je connaissais toutes les étagères en vieux cèdre, fouillais dans les rayons avec délices.
A la maison j’écrivais, of course, dans un cahier d’écolier le roman d’un Robinson de l’espace, qui avait fait naufrage sur une planète nouvelle. Certes l’Ïle mystérieuse de Jules Verne m’inspirait, mais comme nef un ballon : Fi ! Moi je construisais une fusée...
Pour passagers, mon copain Lily et sa jeune sœur, souvent à la maison. Sagement au début je leur contais l’aventure. Passionné, avec ma force de persuasion, vite ils vont participer à l’Odyssée.
On avait fait l’inventaire de l’armement, il ne manquait rien, je vous l’assure. Vroum vroum on décollait, dans la pénombre de la salle à manger, qui me servait de repaire. Un cosmodrome (mot lu plus tard) en vieux noyer sombre.
On se donnait la main, pour ne point se perdre, plouc on atterrissait sur une plage de sable couleur écarlate. On avait décidé en commun que les rouges étaient favorables au rêve… La mer devenait blonde. Le monde à l’envers. Quoi de plus normal ? Une végétation étrange foisonnait avec des banyans, comme sur notre promenade de Létang, tortueux à souhait atchoum, avec leurs lianes qui descendaient du ciel. Des ficus rose bleu à fleurs jolies.
Un ciel dans des nuances de vert... La musique du vent sur les feuilles sucrées… Tiens si on construisait la Cabane, pasque tout robinson nécessite cabane, n’est-ce pas ? Avec des chaises et une couverture. On était si bien dedans ! Lors on continuait l’histoire à tour de rôle, elle se tenait, je vous l’assure.
Un jour ai trouvé un vieux livre de jules Verne, «la planète rouge» : une comète frôleuse enlevait une tranche de la Terre dans son voyage, revenait ensuite relâcher la prisonnière, laissant des plantes rouges se ressemer.
Extraordinaire, diriez-vous ?
Cependant tout le monde peut les voir !
Guy